Jean-François Pique

TU NE MOURRUS PAS TRANQUILLE
Comme un traître qu'il est,
le soleil cessa de réfléchir
le temps, retiré derrière un nuage de fenêtres grises. Tout m'était devenu noir, alors
que coulaient entre mes doigts vingt mille étoiles, qui s'enfuyaient.
Sous ce surplus de disparition, de solitude, je me recroquevillai comme un escalier
sans sol et sans toit, devenu une bête aux hurlements sans fin.

Un banc de harengs salés prenait vie à la dilapidation du corps, pluie tombée qui
resource son nuage et porte une nacelle d'osier au confluent des mirages. Unité
flétrie avant que d'être retrouvée, nos vies, comme une immense nappe tissée de tes
cruautés et de mes injustices.

Parce que la tristesse égrenait les jours, je ne t'ai jamais conté mes cauchemars, ni toi ne l'a fait pour les 
tiens. Tu ne mourrus pas tranquille, avec un dernier regard sur les vagues.

L'angoisse, seule l'angoisse seule, fut ton dernier navire. 

Notre double définition était fruit d'un clavecin mal accordé, comme la brièveté d'un pont
de chènevis. Je n'existais que par ta frontalité, le mur que ta vie dressait devant ma
finitude.

Ce mur franchi, il ne reste que bien peu de signes au fronton de cette nuit qui me devance
étrangement.
Jean-François Pique,
2010