HIVER AU BORD DE LA MONTAGNE
Au dernier signe de neige
je sortais dans la blancheur de la nuit
pour dégager les congères
obstruant les ouvertures de l'étable.
A l'étage vêtu de bois
on entendait, en bas, le bruit des bêtes
et leur chaleur humide montait
jusqu'aux toits couverts de neige.
Dehors il faisait si froid que les vitres
étaient couvertes d'étoiles de givre
et l'on devinait avec peine
l'élancement de la montagne
prise dans son corset de brumes
et de légendes.
Le gel y a des amours implacables
qui figent le chant des sources
sur le couteau de l'hiver.
Sous la glace l'eau dort,
qui perçait le rocher
de ses goutelettes de diamant.
Avec ses mille lanternes
le ciel étoilé s'étonne de ce grand tapis blanc
où seules quelques rares fumées
décousent l'épaisseur de la solitude
dans la résine épaisse des vallées solitaires.
Les yeux clairs de la nuit
frôlent nos cœurs sans les blesser
et l'on reste tremblant de froid
aux portes des maisons
dans l'attente de la joie des saisons
aux manteaux de fleurs et de feuilles
qui tresseront des ruisseaux de verdure
à travers les pentes et les prés.
Maintenant, tout est limpide et silencieux
hormis la lente rumination
qui tient la vie en haleine
au cœur des chalets perdus.