Je t'aime pour ce corps vivant à la naissance des baisers
pour ton odeur de grand large aux premières fleurs du matin

Je t'aime parce que je suis fou
je n'ai pas encore appris à casser mes rêves
et conduire l'effondrement de mes certitudes blanches

Je t'aime parce que je vis dans la cathédrale inversée de ton ombre
assis sur les berges qui remontent le fleuve à petit pas
jouant avec la lumière entrelacée de tes arcs-boutants

Je t'aime pour ne pas mourir du poids des ans
aux entrailles de la tête, de la découverte chaque jour renouvelée
de nouveaux fronts de bataille sur ma peau

Je t'aime pour le quadrille des routes
à parcourir encore ensemble sur la veine inflexible du temps

Je t'aime parce que ne plus dire « je t'aime »
serait prendre racine dans l'arbre de la mer
Jean-François Pique,
2010