Tu dansais sur un rythme de ma vie
Ta danse était mon souffle, mon rêve
Ta danse était ma peine, mon rire
Ta danse était le toit lointain
De la maison où je suis né
Au pays de la grande douleur.
Ta danse était mon vaudou
Mon cri de paix et de guerre
Le pilon où l'on broie
Le maïs de la douceur
Le chant d'un coq rouge au matin
Ta danse naviguait à mille mètres
Sous les courants de ma nostalgie
Ta danse donnait de l'eau fraîche
Aux grands animaux de mon angoisse	
Ta danse végétale, carnivore,
Ta danse contagieuse comme la peur
Ta danse effaçait le doute, la nuit
Ta danse donnait à ma poésie		
La couleur du citron
Ta danse me dévorait à pleines dents
Ta danse était une mante religieuse
Ta danse était une pirogue
Ta danse chassait des lions en moi
Ta danse était une grande sagesse
	René Depestre
	Journal d'un animal marin (1964)