Silva Clara

POESIE URUGUAYENNE DU XXe SIECLE

 
CON UN LENTO ADEMAN
Con un lento ademán
- de rito antiguo - 
la mujer desanuda sus cabellos
y a la copa de plata de la noche
ofrece sus peinetas.

El yelmo azul, que la hacía semejante
a una emperatriz de la tiniebla,
se derrama impetuoso
como un cliente vino
de la tierra.

De un hondo terciopelo es su fatiga;
y en la sombra se abre,
		       bien amada,
ella, que era nocturna mariposa
en el día.

Fue, en la niña, gavilla desatada
en el aire silvestre,
cayendo sobre un cuello
vago.

Y fue en la adolescente,
recorrida por húmedos reflejos,
como la piel de raso
de un nervioso caballo
		      de carrera.

Después se armó de fuerza en la batalla.
Rebelde o sometida,
es el negro cordaje que sostiene
el orden de los vientos.
Gime a veces con llanto de paloma
o ya el mar la devuelve
en un nudo de sierpes transformada.

Apretada y jugosa
- racimo de vendimia -
la carne del estío la tocó de misterio,
la hizo triste y profunda como un bosque
anocheciendo.

De las celestes bodas desterrada
- ¿dónde se oculta el ángel
de cabellera oscura?... -
ella tiene color de vaticinio,
aguafuerte, goyesca encrucijada,
los duendes del delirio
al borde de su manto
caminan.

Separada del cuerpo por el río
			       místico
de la frente,
hacia ella sube el canto de la sangre,
panal de amargas mieles.

Raíz de la tiniebla,
altas estrellas
eternizan la noche de su cielo.
Su posición intacta
en el polvo sin aire,
- la raya dividiendo los dos rígidos ramos -
más allá de la muerte,
ella sabe...
EN UN GESTE ALANGUI
En un geste alangui
- de rite antique -
la femme dénoue sa chevelure
et à la coupe d'argent de la nuit
offre ses peignes.

Le heaume bleu, qui la faisait paraître
une impératrice des ténèbres,
se déverse impétueux
comme un vin capiteux
de la terre.

Sa fatigue est d'un profond velours;
et dans l'ombre elle s'ouvre,
			     ô bien-aimée,
elle, naguère, nocturne papillon
du jour.

Elle fut, chez la fillette, gerbe déliée
dans l'air champêtre,
s'éployant sur une épaule
vague,

et chez l'adolescente,
parcourue d'humides reflets,
telle la robe de satin
d'un fougueux cheval
		    de course.

Puis elle s'arma de force dans la bataille,
rebelle ou bien soumise,
noir cordage retenant
l'ordre des vents,
gémissant parfois dans un sanglot de colombe
ou renvoyée par la mer
en noeud de serpents changée.

Dense et généreuse
- grappe de raisin -
la chair de l'été l'investit de mystère,
la fit triste et profonde comme une forêt
touchée de crépuscule.

Des célestes noces exilée
- où se cache l'ange
à la chevelure obscure ?... -
elle a couleur de prophétie,
eau-forte, goyesque carrefour,
les génies du délire
au bord de sa traîne
cheminent.

Séparée du corps par le fleuve
			      mystique
du front,
vers elle monte la complainte du sang,
rayon de miels amers.

Racine de la ténèbre,
de hautes étoiles
éternisent la nuit de son ciel.
Sa position intacte
dans la poussière immobile,
- la raie divisant les deux rigides rameaux -
au-delà de la mort
elle sait...
 
DESDE LO OSCURO
Alguien en mí desde lo oscuro pide,
secretamente pide:
quítame este peso.
Ya no me dan los hombros para llevarte.
Quiero respirar
simplemente
el aire del mundo,
olvidar esa cuenta confusa
y sin fin
de culpa, perdón, remordimiento,
o de algo parecido
que corroe mi flaqueza.

Dame un día sin objeciones,
un día
en que pueda darle cuerda al reloj sin herirte,
sin que tú, en mi corazón escondido,
me oscurezcas los dientes,
la alegría
de andar descuidada entre las cosas.

No son lamentos de mujer
ni confidencias de jardines.
Es la sangre, la carne, los huesos que me has dado,
éstos, desde el origen;
que no tengo lugar para ubicarme,
párados, pies y manos
amargos de miseria,
de fatiga.

Mis ojos ven
pero tropiezo en tus misterios.
Oigo hasta la respiración de las hojas
pero no entiendo las palabras de tu boca.
Es demasiado largo tu camino
para mis años cortos;
tu puerta muy estrecha para la dimension de la muerte.
No puedo arrodillarme
para besar el polvo
en el límite exacto de amargura
donde empieza la blancura de tus pasos.
DU FOND DES TENEBRES
Quelqu'un en moi du fond des ténèbres implore,
secrètement implore :
ôte-moi ce fardeau.
Mes épaules ne peuvent plus te porter.
Je veux respirer
simplement
l'air du monde,
oublier cette histoire confuse
et sans fin
de faute, de pardon, de remords
ou de quelque chose de semblable
rongeant ma faiblesse.

Donne-moi un jour sans objections,
un jour
où je pourrais remonter l'horloge sans te blesser,(en que pueda darle cuerda al reloj sin herirte,)
sans qu'en mon cœur caché
tu ternisses mes dents,
ma joie
d'aller nonchalamment parmi les choses.

Ce ne sont ni lamentation de femme
ni confidence de jardins.
C'est le sang, la chair, l'ossature que tu me donnas
dès l'origine ;
car je n'ai nul lieu où m'établir,
paupières, pieds et mains
amers de misère,
de fatigue.

Mes yeux voient
mais tes mystères me font trébucher.
J'entends jusqu'à la respiration des feuilles
sans comprendre les mots de tes lèvres.
Il est trop long ton chemin
pour mes brèves années ;
trop étroite est ta porte pour la dimension de la mort.
Je ne puis m'agenouiller
pour embrasser la poussière
à la limite exacte d'amertume
où commence la blancheur de tes pas.
Clara Silva,
traduit par : Marilyne-Armande RENARD, 
POESIE URUGUAYENNE DU XXe SIECLE,
PATIÑO / Éditions UNESCO