Octavio Paz

Libertad bajo palabra / Liberté sur parole

 
Relieves.
La lluvia, pie danzante y largo pelo,
el tobillo por el rayo,
desciende acompañada de tambores :
abre los ojos el maiz, y crece.
Reliefs.
La pluie aux pieds danseurs, aux longs cheveux,
les chevilles mordues par la foudre,
la pluie descend accompagnée par les tambours :
le maïs ouvre les yeux et croît.
 
Escrito con tinta verde.
La tinta verde crea jardines, selvas, prados,
follajes donde cantan las letras,
palabras que son árboles,
frases que son verdes constelaciones

Deja que mis palabras, oh blanca, desciendan y te cubran
como una lluvia de hojas a un campo de nieve,
como la yedra a la estatua,
como la tinta a esta página.

Brazos, cintura, cuello, senos,
la frente pura como el mar,
la nuca de bosque en otoño,
los dientes que muerden una brizna de yerba.

Tu cuerpo se constela de signos verdes
como el cuerpo del árbol de renuevos.
No te importe tanta pequeña cicatriz luminosa :
mira al cielo y su verde tatuaje de estrellas.
Ecrit à l'encre verte.
L'encre verte suscite des jardins, des forêts, des prés,
des feuillages où chantent les lettres,
des paroles qui sont des arbres,
des phrases qui sont de vertes contellations.

Laisse, que mes paroles, ô blanche! descendent et te couvrent
comme une pluie de feuilles un champ de neige,
comme le lierre la statue,
comme l'encre cette page.

Bras, taille, cou, seins,
front pur comme la mer,
nuque de forêt en automne,
lèvres qui mordent un brin d'herbe.

Ton corps se constelle de signes verts
comme le corps de l'arbre qui bourgeonne.
Que t'importe tant de petites cicatrices lumineuses :
regarde le ciel et son vert tatouage d'étoiles.
  Hacia el poema.

I

Palabras, ganancias de un cuarto de hora arrancado al árbol calcinado del lenguaje, entre los buenos días y las buenas noches, puertas de entrada y salida y entrada de un corredor que va de ninguna parte a ningún lado.

Damos vueltas y vueltas en el vientre animal, en el vientre mineral, en el vientre temporal. Encontrar la salida: el poema.

Obstinación de ese rostro donde se quiebran mis miradas. Frente armada, invicta ante un paisaje en ruinas, tras el asalto al secreto. Melancolía de volcán.

La benévola jeta de piedra de cartón del Jefe, del Conductor, fetiche del siglo ; los yo, tú, él tejedores de telarañas, pronombre armados de uñas; las divinidades sin rostro, abstractas. Él y nosotros, Nosotros y Él: nadie y ninguno. Dios padre se venga en todos estos ídolos.

El instante se congela, blancura compacta que ciega y no responde y se desvanece, témpano empujado por corrientes circulares. Ha de volver.

Arrancar las máscaras de la fantasía, clavar una pica en el centro sensible: provocar la erupción.

Cortar el cordón umbilical, matar bien a la Madre: crimen que el poeta moderno cometió por todos, en nombre de todos. Toca al nuevo poeta descubrir a la Mujer.

Hablar por hablar, arrancar sones a la desesperada, escribir al dictado lo que dice el vuelo de la mosca, ennegrecer. El tiempo se abre en dos: hora del salto mortal.

II

Palabras, frases, sílabas, astros que giran alrededor de un cetro fijo. Dos cuerpos, muchos seres que se encuentran en una palabra. El papel se cubre de letras indelebles, que nadie dijo, que nadie dictó, que han caído allí y arden y queman y se apagan. Así pues, existe la poesía, el amor existe. y si yo no existo, existes tú.

Por todas partes los solitarios forzados empiezan a crear las palabras del nuevo diálogo.

El chorro de agua. La bocanada de salud. Una muchacha reclinada sobre su pasado. El vino, el fuego, la guitarra, la sobremesa. Un muro de terciopelo rojo en una plaza de pueblo. Las aclamaciones, la caballería reluciente entrando en la ciudad, el pueblo en vilo: ¡himnos! La irrupción de lo blanco, de lo verde, de lo llameante. Lo demasiado fácil, lo que se escribe solo: la poesía.

El poema prepara un orden amoroso. Preveo un hombre-sol y una mujer-luna, el uno libre de su poder, la otra libre de su esclavitud, y amores implacables rayando el espacio negro. Todo ha de ceder a esas águilas incandescentes.

Por las almenas de tu frente el canto alborea. La justicia poética incendia campos de oprobio: no hay sitio para la nostalgia, el yo, el nombre propio.

Todo poema se cumple a expensas del poeta.

Mediodía futuro, árbol inmenso de follaje invisible. En las plazas cantan los hombres y las mujeres el canto solar, surtidor de transparencias. Me cubre la marejada amarilla: nada mío ha de hablar por mi boca.

Cuando la Historia duerme, habla en sueños: en la frente del pueblo dormido el poema es una constelación de sangre. Cuando la Historia despierta, la imagen se hace acto, acontece el poema: la poesía entra en acción.

Merece lo que sueñas.

Vers le poème.

I

Mots, profits d'un quart d'heure arrachés à l'arbre calciné du langage, entre les bons jours et les bonnes nuits, portes d'entrée et de sortie, entrée d'un corridor qui va de nulle part à n'importe où.

Nous nous agitons sans cesse dans un ventre de bête, dans un ventre de pierre, dans un ventre de temps.Trouver la sortie, le poème.

Obstination de ce visage où se brisent mes regards. Front armé, invaincu devant un paysage en ruines, après avoir assailli le secret. Mélancolie de volcan.

Le bienveillant groin en pierre de carton du Chef, du Conducteur, fétiche du siècle ; les je, tu, il, tisseurs de toiles d'araignées, pronoms armés d'ongles ; les divinités sans visage, abstraites. Dieu le père se venge en toutes ces idoles.

L'instant se givre, blancheur compacte qui aveugle et ne répond plus et disparaît, masse de glace emportée par des courants circulaires. Il reviendra.

Arracher les masques de la fantaisie, clouer une pointe au centre sensible : provoquer l'éruption.

Couper le cordon ombilical, tuer la Mère : crime que le poète moderne a commis pour tous, au nom de tous. Au nouveau poète de décourir la Femme.

Parler pour parler, arracher des sons en désespoir de cause, écrire sous la dictée du vol de la mouche, noicir. Le temps s'ouvre en deux : c'est l'heure du saut de la mort.

II

Mots, phrases, syllabes, astres qui tournent autour d'un centre fixe. Deux corps, beaucoup d'êtres qui se rencontrent dans une seule parole. La page se couvre de lettres indélébiles, que personne ne disait, que personne ne dictait, qui sont tombées là, et brûlent, et brillent, et s'éteignent. C'est ainsi qu'existe la poésie, qu'existe l'amour. Et si je n'existe, toi tu existes.

Partout les solitaires forcés commencent à créer les mots du nouveau dialogue.

Le jet d'eau. La gorgée de santé. Une fille inclinée sur son passé. Le vin, le feu, la guitare, l'après-dîner. Un mur de velours rouge sur la place d'un village. Les acclamations, la cavalerie éclatante qui entre dans la ville, le peuple exalté : hymnes. L'irruption du blanc, du vert, du flamboyant. Le trop facile, ce qui s'écrit seul : la poésie.

Le poème prépare un ordre amoureux. Je prévois un homme-soleil et une femme-lune, lui libre de son pouvoir, elle libre de son esclavage, et des amours implacables rayant l'espace noir. Tout doit céder à ces aigles incandescents.

Aux créneaux de ton front le chant paraît. La justice poétique incendie les camps d'opprobre. Il n'y a pas de place pour la nostalgie, le je, le nom propre.

Tout poème s'accomplit aux dépens du poète.

Midi futur, arbre immense au feuillage invisible. Sur les places, les hommes et les femmes chantent le chant solaire, fontaine de transparences. La houle d'or me couvre : rien de moi ne doit parler par ma bouche.

Quand dort l'Histoire, il parle en rêve : sur le front du peuple endormi, le poème est une constellation de sang. Lorsque s'éveille l'Histoire, l'image se fait acte, le poème s'accomplit : la poésie entre en action.

Mérite ce que tu rêves.

  Primavera y muchacha.
En su tallo de calor se balancea
La estación indecisa
                    Abajo
Un gran deseo de viaje remueve
Las entrañas heladas del lago
Cacerías de reflejos allá arriba
La ribera ofrece guantes de musgo a tu blancura
La luz bebe luz en tu boca
Tu cuerpo se abre como una mirada
Como una flor al sol de una mirada
Te abres
         Belleza sin apoyo
Basta un parpadeo.
Todo se precipita en un ojo sin fondo
                  Basta un parpadeo
Todo reaparece en el mismo ojo
                  Brilla el mundo
Tú resplandeces al filo del agua y de la luz
Eres la hermosa máscara del dia
Tú resplandeces al filo del agua y de la luz
Eres la hermosa máscara del dia.
Printemps et jeune fille.
Sur sa tige de chaleur se balance
La saison indécise
                  Là-bas
Un grand désir de voyage agite
Les entrailles glacées du lac
Des reflets chassent là-haut
La rive offre des gants de mousse à ta blancheur
La lumière boit la lumière dans ta bouche
Ton corps s'ouvre comme un regard
Comme une fleur au soleil d'un regard
Tu t'ouvres
          Beauté sans appui
Un clignement
Tout se précipite dans un oeil sans fond
               Un clignement
Tout reparaît dans le même oeil
                Le monde brille
Tu resplendis à la limite de l'eau et de la lumière
Tu es le beau masque du jour
Tu resplendis à la limite de l'eau et de la lumière
Tu es le beau masque du jour.
 
Octovio PAZ,
traduit par : Jean-Clarence Lambert, 
Libertad bajo palabra / Liberté sur parole,
Edition bilingue, éditeur nrf Gallimard, 1970,

Versant Est et autres poèmes 1957-1968

  Himachal Pradesh.
A nuestra (rapado, ventrudo y)

es la Civilización maáas

(untuoso) antigua del
                     (en el atajo caprino
su manto azafrán era una llama)
                               ¡Mundo!
(en movimiento)
               Esta tierra es
(y el rumor de sus sandalias
sobre las púas secas de los pinos)
                                  Santa :
la tierra de (era como si pisara)
                                 los Vedas.
(cenizas.) El hombre
                    (Con el indice)
empezó a pensar (categórico)
                            hace cinco mil años
(el pandit me mostraba)
                       Aqui...
(los Himalayas
             -fines del periodo terciario,
las montañas más jóvenes del planeta.)
Himachal Pradesh.
La nôtre
        (tondu, ventru)
est la civilisation la plûûs
                            (et onctueux)
ancienne du
           (sa robe safran
dans le sentier de chèvres : une flamme)
                                        Monde!
(en mouvement)
              Cette terre
(et la rumeur de ses sandales
sur les aiguilles de pins sèches)
                                 est Sainte :
C'est la terre des (était comme s'il marchait)
                                              Védas.
(sur des cendres.) L'homme
                          (De son index)
commença à penser (péremptoire)
                               il y a cinq mille ans
(Le pandit me montrait)
                       Ici même...
(Les Himalayas
              -fin de l'époque tertiaire,
Les montagnes les plus jeunes de la planète.)
 
Octovio PAZ,
traduit par : Yesé Amory, 
Versant Est et autres poèmes 1957-1968,
Edition bilingue, éditeur nrf Gallimard, 1970,