Annie Lebrun

Les pâles et fiévreux après-midi des villes
Dans la forêt vierge de l'ascenseur vous avez appuyé sur
le bouton rouge jusqu'au blocage convulsif de nos plus
superbes lianes.

Du théâtre humide qui s'écroule à chaque fois, restent
évasifs, les rires écarlates des jambes pour avaler le sillage
pirate de nos ventres déployés.

Et la longue caresse de parquets cités sur nos hanches
presque blanches de chaleur.

Au bord des prairies noires et blanches du lit, un fleuve
a coulé, tiède, dans mon oreille renversée.

Les quatre coins de la chambre des yeux s'étirent en bandeau
au fond du couloir des muqueuses.

C'est au ras des veines que je chevaucherai votre nuque
jusqu'à ce que notre voracité s'étale en cape de plomb
sur mes épaules tremblantes.

Reviendrez-vous toujours aussi triomphant de vos courses
solitaires entre les rues de verre, pour me cabrer du
bout des gants ?

Elle se laissa lécher, en silence, jusqu'à ce que le matin
passe sur le front des faubourgs.

Les draps de jour nous ont jetés dans les assourdissantes
citernes bleues des odeurs.

...

Il y a des fesses belles comme l'ombre des pierres sous
les pieds brûlants de midi, furtivement.

Perpendiculaire à vous, je rejoins la sinueuse pâleur que
vous faites irrésistiblement monter dans les herbes 
translucides de ma colone vertébrale.

...

La jolie houle des vêtements que la nudité immédiate a
déjà engloutis.

Je me suis laisé découper par votre ombre ce dimanche
d'hiver où vous avez traversé ma vie.

Annie Lebrun

Anthologie érotique, Pierre Perret, p. 549
Albin Michel