L'enfant rêvait le cœur du monde Cœur fade de la fleur Aux fossés l'ortie et sa veine douceâtre venait battre le vent Un enfant se défait dans le rêve des jours Son rire étincelle sur la pierre noire des villes De vous à moi son regard n'est qu'un fil Entre la terre et les étoiles, somnambule léger, le lien ténu du monde.
Hauteurs glaciales, haleines, à la bouche des monts solitaires. On entendit un roc se briser en une note aiguë. Elle tint longtemps dans le silence, reprenant, inlassable, les rêves les plus anciens de l'homme enfin immobile, enraciné à ce qui l'étreint et le possède, ne le transporte pas, l'implante. Pan de neige basculant sur la pente, glissant, tonnerre blanc, chute d'un son terrible et meurtrier. Bonheur qui le saisit et qu'il charrie en son sang. Arbres culbutés, maisons emportées, corps meurtri, défait et recomposé. Le chant renaît du cri, éclate, désir trop longtemps asservi. Les digues abattues ont fait jaillir leur flot sur la lande. Hauteurs glaciales, haleines, à la bouche des morts, le son rauque d'un aigle éveille le soleil.
Un oiseau vert vole dans l'arbre, Son chant est de nervures secrètes, de fugitives dents; Son chant plein-vent de feuille en feuille saute ainsi qu'une joie bondissante. Son souvenir A gorge ouverte s'épand dans la nuit. Son corps à peine chiffonné roule sous l'impact au flanc de notre coeur : « Ce que je suis ne dure qu'une flamme Brisée auprès d'un mur; à peine l'attente, à peine l'odeur, à peine si la lueur perçue Commence l'ignorance. »
Benoît Conort, Pour une île à venir, Le Chemin, nrf, Gallimard,