Анна Ахматова
(Anna Akhmatova)

Anna Akhmatova (en russe : Анна Ахматова), née le 23 juin (11 juin) 1889 à Odessa et morte le 5 mars 1966 à Moscou, est le nom de plume d'Anna Andreïevna Gorenko (en russe : Анна Андреевна Горенко), une des plus importantes poétesses russes du xxe siècle. Égérie des acméistes, surnommée la « reine de la Neva » ou « l'Âme de l'Âge d'Argent », Anna Akhmatova demeure aujourd'hui encore l'une des plus grandes figures féminines de la littérature russe.

« La souveraine du verbe et de la dignité » aura traversé les épreuves de sa vie comme une Pietà, une madone en douleur portant la mort de son mari Nikolaï Goulimev fusillé en 1921 pour déviationnisme et la longue détention en goulag, près de vingt ans, de son fils Lev, arrêté dès 1933, de ses amis exécutés comme Osip Mandelstam, ou traqués comme Boris Pasternak ou Marina Tsétaëva. Nul n'osera l'attaquer de front car grandes étaient son aura et sa faculté à universaliser le malheur. Elle traversera les frontières du monde comme oiseaux migrateurs . Mais tant de poèmes détruits, perdus ou non écrits marquent encore la victoire des salauds. Cette voix d'au-dessus des goulags doit encore faire son chemin en France, car si enracinée dans la langue russe par sa construction, ses rimes, ses sentiments, elle attend toujours ses traducteurs sachant rendre cette aveuglante simplicité, sa pureté de feu. Il m'est douloureux de voir tant de pauvres et fausses gloires en présentoir, alors que pour trouver quelques bribes de poèmes de l'immense Anna Akhmatova un si long chemin de croix est nécessaire.

Requiem

De quelles ruines doit monter ma voix
Sous quel effondrement mon cri résonne
Je brûle de la chaux qui est sur moi
Dans la cave où leurs sbires m'abandonnent
Ils décrètent muet le vieil hiver
Ils ont muré les portes de l'histoire
Qu'ils s'évertuent, ma voix passe à travers
Le temps viendra où on devra la croire
Anna Akhmatova,
traduit par : André Markowicz, 

Requiem : Poème sans héros et autres poèmes

Poème sans héros, deuxième partie (strophes 24 & 25)
Demande aux femmes de mon temps,
Bagnardes, " cent-cinq ", prisonnières,
Et nous te raconterons tout :
Que la peur nous abrutissait,
Que nous élevions des enfants,
Pour la prison, la torture et la mort.

Pinçant nos lèvres bleuies,
Hécubes devenues folles,
Cassandres de Tchoukhloma
Portant des couronnes de honte,
Nous serons un chœur de silence :
" Au-delà de l'enfer, il y a nous. "
Anna Akhmatova,
traduit par : Jean-Louis Backès, 
Requiem : Poème sans héros et autres poèmes,
Gallimard